Cégep Édouard-Montpetit et Université du Québec à Trois-Rivières

DESCRIPTION DU PROJET

La littérature jeunesse a fait son apparition au Québec en 1980. Depuis, cette dernière connait une évolution considérable partout dans le monde, autant par la variété des types de livres que par les sujets abordés.

Dans son ouvrage Tout sur la littérature jeunesse de la petite enfance aux jeunes adultes, Sophie Van Der Linden écrit : « On entend souvent dire qu’on lit un livre à un enfant. Mais on devrait plutôt reconnaître qu’on lit avec un enfant… C’est une lecture à deux, véritablement en collaboration… » De plus, une étude effectuée par Valdez-Menchaca et Whitehurst (1992) * sur les bienfaits de la lecture interactive a démontré que cette dernière avait des répercussions favorables sur l’acquisition des compétences en littératie à long terme, si elle est appliquée dès la petite enfance.

L’instance régionale de concertation (https://irc-cn.ca/litteraties/) est un organisme responsable de la prévention du décrochage scolaire dans la région de la Capitale-Nationale. Cette dernière est basée sur trois axes distincts, soit : la littératie, les transitions scolaires et la science et la technologie. Le projet de recherche-action que je désire mettre en place répond au premier axe de cet organisme, la littératie. En préambule à ce sujet, l’organisme écrit : « Apprendre à lire et à écrire commence bien avant l’entrée à l’école ! Avez-vous déjà vu un jeune enfant parcourir un livre ? Il le tient parfois à l’envers, saute des pages et babille plus qu’il ne raconte une histoire. Cet enfant ne sait pas encore lire, mais… il apprend ! Il a sans doute vu d’autres acteurs de sa communauté lire et il les imite. Il apprend que lire une histoire constitue un loisir; qu’on doit tourner des pages; qu’on peut « lire » à voix haute, etc. Il en va de même pour l’écriture. Très jeune, l’enfant « joue à écrire » en imitant, par exemple, l’écriture des adultes qui l’entourent, remplissant des pages de « petites vagues ». Ainsi, apprendre à lire et à écrire, cela commence bien avant d’avoir six ans, et cela se poursuit tout au long de la vie !… Ainsi, pour développer ses compétences en littératie, l’enfant doit non seulement apprendre à lire et à écrire, mais également développer un plaisir et un intérêt pour l’écrit. »

La trousse Langage et littératie dès la naissance…et pour la vie (Rachael Millard et Michelle Waese, 2007) explique, elle aussi, l’importance du rôle que joue le personnel éducateur dans l’acquisition de l’apprentissage de la lecture et de l’écriture : « La recherche actuelle montre qu’une bonne partie des habiletés nécessaires à l’apprentissage de la lecture et de l’écriture s’apprennent entre la naissance et l’âge de six ans, soit avant l’entrée à l’école. Ce constat a mis en lumière l’importance du rôle des parents et des intervenants, qui préparent le terrain pour l’apprentissage de la langue, de la lecture et de l’écriture. Au Canada, où plus de la moitié des enfants de 6 mois à 5 ans reçoivent une forme quelconque de soins prodigués par des personnes autres que leurs parents (Bushnik, 2006), les intervenantes dans les services de la petite enfance jouent un rôle de premier plan pour favoriser l’apprentissage de la langue, de la lecture et de l’écriture. »

Selon mon expérience d’éducatrice en petite enfance, la période de l’histoire en service de garde éducatif à l’enfance est souvent ancrée dans la routine qui précède le moment de la sieste. Dans le livre : Raconte-moi une histoire Pourquoi? Laquelle? Comment ? (Ferland, 2008) l’autrice écrit à ce sujet : « Beaucoup d’éducatrices racontent une histoire avant la sieste des enfants. Cette façon de faire correspond en quelque sorte au rituel du coucher qu’instaurent les parents le soir et elle a les mêmes effets positifs. Cela permet à l’enfant d’anticiper ce qui vient, même s’il ne connaît pas l’heure, et le prédispose à la sieste ».

Les livres sont également généralement utilisés dans les périodes de transition pour faire patienter les enfants (par exemple : en attendant les repas ou les collations). Ces périodes permettent la manipulation libre des livres, toutefois, si les agents au développement de l’enfant n’ont pas, d’abord et avant tout, réussi à susciter un intérêt et à transmettre des stratégies d’utilisation des livres pour la jeunesse, il y a des risques que les enfants se désintéressent rapidement des livres. Le personnel éducateur se doit d’être d’abord et avant tout un bon modèle pour les enfants. S’il trouve du plaisir à exploiter les livres pour la
jeunesse et qu’il le fait dans divers moments de la journée, il lui sera peut-être facile de transmettre cette passion aux enfants qui croiseront sa route dans le présent et le futur. Ces nouvelles stratégies pourraient possiblement permettre aux enfants d’être plus autonome dans l’exploitation des livres pour la jeunesse.

Donc, si les livres pour la jeunesse ne sont pas abordés de manière à augmenter un intérêt pour ceux-ci, il y a des chances que l’on passe à côté d’un objectif, qui est présentement au cœur des préoccupations du ministère de l’Éducation, soit : l’augmentation des compétences en littératie au niveau primaire et secondaire.

Et si, les éducateurs et éducatrices en petite enfance bénéficiaient de formations spécifiques, seraient-ils mieux outillés pour amener les enfants de leur groupe à vivre la lecture autrement et dans d’autres contextes. De plus, ces nouvelles manières d’aborder le livre pour la jeunesse contribueraient-elles à permettre, dans un premier temps, une augmentation de l’intérêt des enfants pour la littérature pour la jeunesse, dans un deuxième temps, une participation plus active de la part des enfants en interaction avec le livre pour la jeunesse et dans un troisième temps, un meilleur soutien au développement de l’acquisition des compétences en littératie, et ce, dès le plus jeune âge ?

* tiré de Charron, Annie, Bouchard, Caroline, Cantin, Gilles, Langage et littératie chez l’enfant en service éducatif, Presses de l’Université du Québec, 2010, page 150.

J’ai choisi d’effectuer ma recherche auprès de groupes d’enfants âgés de 3-4 ans puisqu’il y a peu de recherches en littératie pour ce groupe d’âge.
Pour ce qui est des tout-petits, voici quelques exemples de références existantes : le programme Une naissance, un livre, offert par plusieurs bibliothèques participantes au Québec. De plus, l’autrice Maria Bonnafé a écrit l’excellent livre: Les livres, c’est bon pour les bébés et il y a également le livre Les bébés livres ou l’émergence de l’écrit des chercheuses Suzanne Pouliot et Johanne Lacroix.
Du côté des plus vieux, les enfants âgés de 5-12 ans, il existe de nombreuses références et études. Par exemples : le programme ELE-SGMS (2012) lancé par l’Université de Sherbrooke, le récent livre La lecture et l’écriture fondements et pratiques à l’éducation préscolaire et au 1er cycle du primaire, des autrices : Isabelle Montésinos-Gelet, Marie Dupin de Saint-André et Annie Charron (2022). Également, dans le but d’intégrer la littératie dans des pratiques inclusives, le livre Littératie et inclusion outils et pratiques pédagogiques (2010) de Manon Hébert et Lizanne Lafontaine et autre ouvrage très récent qui aborde le sujet de la philosophie avec la littérature jeunesse intitulé : Pratiquer la philosophie au primaire conseils, activités thématiques et littérature jeunesse (2022) de Mathieu Gagnon et Eveline Mailhot-Paquette.

Dans la description du projet, il est possible de constater que l’utilisation de la littérature pour la jeunesse dès la petite enfance est bénéfique. Par cette recherche-action, je vise un changement de pratique dans le but d’améliorer les stratégies utilisées par le personnel éducateur, tout en leur permettant de s’ouvrir à de nouvelles perspectives vis-à-vis l’utilisation de la littérature pour la jeunesse.

Cette recherche-action me permettra de valider ou non l’hypothèse suivante : Il a été démontré que l’utilisation de la littérature pour la jeunesse est bénéfique pour l’amélioration de la littératie. Cependant, est-ce qu’une utilisation de la littérature pour la jeunesse à l’aide de stratégies variées et à plusieurs moments dans une journée au service de garde, pourrait augmenter l’intérêt, la participation et éventuellement davantage les compétences en littératie des jeunes enfants.

Ce projet de recherche sera fondé sur les orientations méthodologiques des recherches de type « recherche-action collaborative » (Roy, Prévost, 2013). La recherche se déroulera selon les étapes suivantes : acquis de nouveaux apprentissages, mise en pratique de ceux-ci, suivi d’une période de retour/échange. Ces étapes permettront d’évaluer les points forts et les éléments à améliorer de la démarche.

La recherche sera composée d’une communauté de pratique professionnelle comprenant un minimum de 3 participants, participantes et un maximum de 10 participants, participantes, oeuvrant en service de garde éducatif à l’enfance.
Ceux-ci devront avoir un minimum de 1 an d’expérience auprès des enfants de 3-4 ans. Le bagage d’expérience acquis auprès de ce groupe d’âge leur permettra de mettre en place les nouvelles stratégies apprises lors des formations avec plus de facilité.
Ils devront également avoir une formation de base (AEC, DEC, autres diplômes dans le domaine de la petite enfance). Cette formation de base appuiera le projet éventuel de transmettre et de réinvestir les résultats de la recherche au niveau collégial. Pour la sélection de mes participants, j’aimerais recruter des participants qui travaillent auprès de clientèles variées. Autant au niveau socio-économique, culturel, inclusif, etc